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Return to Equinoxes, Issue 10: Automne/Hiver 2007-2008
Article ©2008, Nataliya Lenina

Nataliya Lenina, Université de Toronto

De l’errance menant À Dieu : Le Soulier de satin de Paul Claudel au croisement de deux espaces

«Qu’ai-je cherché d’autre qu’à retourner d’où je venais, qu’à me distraire d’un exil toujours ressenti, qu’à préparer mon rapatriement ?»
Suzanne Lilar Une enfance gantoise

Ayant perdu le paradis, les êtres humains ressentent, comme le remarque judicieusement Suzanne Lilar, leur exil sur la terre. C’est justement l’insuffisance de la « nourriture terrestre », cet appel vers « l’Ailleurs » qui fait errer les hommes. À la recherche d’eux-mêmes, tantôt ils errent à l’image d’un éternel voyageur (erraticus = « vagabond »), du chevalier errant (errare, erratum, quipeut se traduire par « aller à l’aventure »), tantôt ils se trompent, s’éloignant du bon chemin (aberrare, aberratio, « diversion », et même « aberration »).1 Parfois cette « erreur » n’est qu’une « faute de frappe » facilement corrigible. Et c’est souvent grâce à elle qu’on retrouve la bonne voie, qu’on se retrouve soi-même, car différents sont les chemins menant vers Dieu. C’est le cas des personnages claudéliens du Soulier de satin, pièceoù la repentance et l’amour rédempteur remplissent leur ultime fonction : se rapprocher de Dieu (notons, qu’à l’origine, le verbe grec « se repentir » signifie non seulement un « regret », un « manque » qui reflète le verbe latin paenitere, mais un changement d’esprit).

Or, il faut distinguer l’errance fructueuse de l’errance superficielle dirigée vers le vide. Cette dernière, tout en n’étant qu’un artifice mensonger, peut se manifester sous le masque de la démarche dite spirituelle ; dans ce cas, elle relève du diabolique, car ce n’est pas le mouvement même qui importe, mais c’est la direction du mouvement. « Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faut connaître ; mais si quelqu’un aime Dieu, celui-là est connu de Lui », écrit saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens. Claudel nous apprend à « écouter » cette musique éternelle des Cieux : chez lui, c’est « l’œil qui écoute », ce sont des égarements qui amènent souvent au recueillement, à la vision claire, à la plénitude de la personnalité. Cette idée est présente dans l’épigraphe que Claudel emprunte à saint Augustin (Etiam peccata « Même les péchés servent »).

Le drame extravagant Le Soulier de satin2 de Paul Claudel est une pièce baroque par excellence : l’entrelacement des thèmes différents, la multiplicité des personnages et des actions à un rythme syncopé, la surcharge des effets dramatiques, l’exubérance d’images et de symboles, tous les traits caractéristiques du style baroque y sont présents. Or, rien n’est gratuit dans ce « mystérieux concert à la fois assemblé et disjoint » (262).

La pièce constitue à la fois une « architecture » verticale (le drame spirituel) et une « architecture » horizontale (le drame individuel et historique : la conquête de la terre nouvelle, les missions espagnoles d’évangélisation), ce qui conduit le lecteur à faire simultanément la lecture dite horizontale et verticale dont le noyau ontologique se trouve à leur croisement. Cependant, puisque Le Soulier de satin est fondé, avant tout, sur la foi, c’est la structure spirituelle qui joue un rôle prégnant. C’est cet élan vers le Ciel, vers l’infini, qui jalonne la pièce de Claudel et qui « absorbe » en quelque sorte, mais n’amoindrit point.

Le baroque du Soulier de satin, sa contexture, formelle et spirituelle, ne font-ils pas penser au chant byzantin ? D’une part, on retrouve dans la pièce la même liberté pour improviser et orner les mélodies (les variations sur les thèmes et motifs lancinants de l’œuvre), d’autre part, nous pourrions très facilement imaginer que toutes les actions, toutes les péripéties, tous les gestes de pensée des personnages peuvent être accompagnés par ce qu’on appelle l’isson3, toujours invariable, qui correspond, apparemment, au fond d’or des icônes, symbole d’éternité. L’isson dans Le Soulier de satin, ce n’est rien d’autre que l’errance, les voies détournées des personnages, mais orientées vers Dieu, vers la « co-naissance » de la vérité : « Dieu écrit droit avec des lignes courbes ». Le chant byzantin, ainsi que la pièce de Claudel, est dirigé par le « verbe » (λόγος) : dans les deux cas, c’est le texte (le verbal) qui engendre l’énergie, le rythme, la beauté et le sens.

Toute la pièce est marquée par le premier mot de l’incipit, « Seigneur ». Le monologue du Père Jésuite, pour qui « tout a expiré », « tout a été consommé » sur la terre, reflète son cheminement douloureux vers Dieu pendant lequel on voit son esprit (νοũς) « descendre » vers son cœur en unissant librement4 sa volonté avec la volonté divine5. Ce monologue annonce les idées que l’on retrouve sans cesse dans de nombreuses scènes : l’idée qu’un être humain peut intercéder pour un autre et recevoir la grâce de Dieu (le sacrifice), ou celle que l’amour humain peut servir à connaître l’amour divin6 ; la femme (Prouhèze en l’occurrence) « pose le double signe » dans la vie de l’homme (Rodrigue) : l’amour interdit le dirige vers le bien. Le Père Jésuite prie pour son frère Rodrigue pour qu’il aille à Dieu et « s’il ne va pas [...] par ce qu’il a de direct, qu’il y aille par ce qu’il a d’indirect [...], et s’il désire le mal, que ce soit un tel mal qu’il ne soit compatible qu’avec le bien » (20).  Le passage du Père Jésuite d’un monde à un autre n’est-il pas analogue à la voie que suit courageusement Prouhèze sous le regard enflammé de son amant, Don Rodrigue ?

La symbolique de cette scène fait écho aussi à la cinquième scène où Doña Prouhèze s’adresse à la Vierge et lui confie son soulier comme un gage certain de Sa protection :

Je me remets à vous ! Vierge mère, je vous donne mon soulier ! Vierge mère, gardez dans votre main mon malheureux petit pied ! Je vous préviens que tout à l’heure je ne vous verrai plus et que je vais tout mettre en œuvre contre vous ! Mais quand j’essayerai de m’élancer vers le mal, que ce soit avec un pied boiteux ! la barrière que vous avez mise, quand je voudrai la franchir, que ce soit avec une aile rognée! (49 ; c’est nous qui soulignons)

Le libre arbitre7 et la lutte interne de l’héroïne, son pied « boiteux », son « aile rognée » nous renvoient, par ricochet, à la fin de la pièce (le dernier acte ou la « Quatrième Journée », comme l’appelle Claudel) : Rodrigue boiteux sans jambe, apparaît comme une image en miroir qui complète l’image de Prouhèze ; nous percevons une sorte de symétrie de la dissymétrie.  Or, le motif du « pied » réapparaît également dans la scène 10 de la Troisième Journée et lie indirectement ces trois scènes au niveau des images, au niveau des thèmes et des messages spirituels : pour obtenir le salut de son âme et sauver Rodrigue, et probablement Camille,8 Prouhèze sacrifie son amour sur la terre. Et c’est la séparation qui unit : renoncer à Rodrigue dans ce monde afin de mieux le posséder dans l’autre : « Être, c’est créer. […] Il est nécessaire que toutes les choses soient pour qu’elles ne soient plus, pour qu’elles fassent place à l’ultérieur qu’elles appellent ». 9

Les errances des personnages claudéliens sont également reflétées dans « l’insoutenable légèreté »10 de l’univers spatio-temporel. Il est évident que Claudel ne respecte ni la règle de l’unité de temps, ni celle de lieu : les années passent comme des instants (dix ans se sont écoulés entre la Deuxième et la Troisième Journée) et l’espace scénique est simplement « éclaté ». Il est frappant de voir que la mobilité des signes spatio-temporels est déjà inscrite dans le texte même de la pièce :

La scène de ce drame est le monde et plus spécialement l’Espagne à la fin du XVI e, à moins que ce ne soit le commencement du XVIIe siècle. L’auteur s’est permis de comprimer les pays et les époques, de même qu’à la distance voulue plusieurs lignes de montagnes séparées ne sont qu’un seul horizon (665 ; c’est nous qui soulignons).

En effet, dans Le Soulier de satin, on passe de l’Amérique à l’Espagne, au Maroc, à l’Italie, à la Bohême, sur la Mer (espace « libérateur),11 ou dans les constellations du ciel (espace virtuel qui incarne l’univers spirituel).12 La terre n’est plus séparée du ciel, elle « baigne dans son mystère » et le monde invisible, à son tour, se présente non comme une toile de fond mais comme un tableau vivant (au sens strict du mot) qui embrasse la terre.  Et le temps ? Inhérent à la vie humaine, mais insaisissable et fugitif, le temps nous surprend et déroute par son ambiguïté. Selon le linguiste Émile Benveniste : « Tout est dans le temps hormis le temps même ».13 On ressent ce présent fuyant dans les paroles des personnages du Soulier de satin : « L’Ange Gardien : - J’attends que tu consentes. Doña Prouhèze : - Je consens, j’ai consenti ! » (280). C’est comme si, après avoir employé le temps dit « présent » (et ce n’est qu’un instant que l’héroïne possède le présent dans toute sa totalité), Prouhèze se rendait compte de la fugacité de l’instant. Elle se corrige alors en utilisant le passé composé – ce qui peut être considéré comme une certaine confirmation de sa parole précédente –, car dès qu’elle s’énonce, « je consens » tombe tout de suite dans le révolu et devient ainsi « j’ai consenti ».  Un beau travail de Prouhèze sur une pensée déjà passée ! On voit aussi, ici, les liens étroits entre le révolu et le moment du discours (moment de l’énonciation) qui est sa condition d’existence.

 Il faut se rendre compte que la conceptualisation du temps par la pensée humaine se distingue de celle par la langue. Ne confondons pas la succession des événements dans le temps (la chronologie) avec la temporalité psychique ou linguistique. Dans Le Soulier de satin, le temps, semble-t-il, se présente comme quelque chose de profondément individuel et subjectif. Et ce n’est pas seulement à cause des instructions floues de l’auteur (« l’Espagne à la fin du XVIe, à moins que ce ne soit le commencement du XVIIe siècle ») que nous portons à « mesurer » le temps selon notre propre psychisme ou selon le rythme de la vie spirituelle de l’œuvre. L’atemporalité du monde invisible enveloppe le temps des actions, et les indices temporels, même les plus réalistes (midi, minuit, demain, maintenant), perdent dans une certaine mesure leur réalisme : l’architecture formelle et intellectuelle de la pièce nous dote d’un pouvoir magique de « bémoliser » ou « diéser »14 les indices temporels.

L’union spatio-temporelle réelle avec celle du virtuel s’inscrit bien dans la conversation entre Don Rodrigue et Doña Prouhèze pendant leur tête-à-tête ultime dans la dernière scène de la Troisième Journée. C’est la scène la plus pathétique et le plus « théâtrale » de la pièce, colorée par le noir de la mort de l’héroïne principale. « Tout est fini pour Prouhèze qui m’empêchait de commencer », constate Prouhèze avec douleur, mais non pas sans joie. Elle parle comme si elle était déjà morte pour cet espace « ici-bas », et sa mort, en l’occurrence, ne signifiera point le néant, mais la continuation, le recommencement, la renaissance. C’est comme si le présent atemporel soignait en quelque sorte la « blessure » du personnage qui est en quête de la plénitude de sa propre personnalité et qui n’est possible que par l’union de l’amour humain et l’amour pour Dieu.  Comme le remarque Paul-André Lesort : « [Un] regard en arrière permet de discerner les chemins détournés par lesquels Dieu fait passer un être pour la conduire à lui, de la passion au péché et de la souffrance au sacrifice15 […] ».

Mais où est ce seuil entre ces deux espaces, entre le visible et l’invisible ? Nous ne pensons plus par le clivage du corps et de l’âme, mais, conjointement avec des personnages claudéliens, en dépassant le visible nous passons à l’espace invisible, intérieur et puis, à l’espace « invisible à statut ontologique », c’est-à-dire, à l’espace qui fonctionne selon la logique d’un autre « Ordre ». Néanmoins, ces deux mondes, pour filer la métaphore musicale, jouent la même symphonie, mais dans des tonalités différentes (dans le registre du céleste et du terrestre) :

Doña Prouhèze. – Où suis-je et où es-tu ?
L’Ange Gardien – Ensemble et séparés. Loin de toi avec toi. Mais pour te faire pénétrer cette union du temps avec ce qui n’est pas le temps, de la distance avec ce qui n’est pas l’espace, d’un mouvement avec un autre mouvement, il me faudrait cette musique que tes oreilles encore ne sont pas capables de supporter (264).

« Il n’y a pas une séparation radicale entre ce monde et l’autre », écrit Claudel dans l’Introduction à un poème sur Dante !16 À la fin de cette scène, l’héroïne voit le Globe tourner, elle voit en un instant tout espace terrestre. Et en franchissant « La Sainte-Frontière », Prouhèze devient capable de discerner l’un en tout et le tout en un : elle perçoit la fusion de la géographie mondiale avec l’ordre surnaturel par l’intermédiaire des Eaux purificatrices (l’Océan se présente comme une zone intermédiaire), qui reflètent symboliquement la fusion des aventures spirituelles, individuelles et historiques des personnages, mais elle perçoit aussi l’unicité et l’homogénéité du temps :

Le corps, exclame Prouhèze avec un vif étonnement, suis-je dehors ou dedans ce corps ? Je le vis [passé simple] en même temps je le vois [présent]. Tous le moments de sa vie je les vis ensemble d’un seul coup. Ah ! pauvre Doña Prouhèze, quelle pitié tu m’inspires ! je vois, je comprends tout !  (265).

Quelle étrange union du passé simple et du présent ! Et « en même temps » est un bon pont unificateur entre ces deux univers qui réconcilie le passé avec le présent. Nous y pouvons remarquer, d’ailleurs, le jeu des mots : l’homographie des formes des verbes « voir » et « vivre » redouble le sens du « je le vis ». Nous voyons une sorte de dédoublement de l’héroïne : elle vit (passé simple) et elle (sur)vit : le présent doté de valeur qui s'approche d'une valeur aoristique.17 Peut-être faut-il « dépayser » nos pensées terre-à-terre pour saisir l’essence de scènes comme celle-ci.

La même vérité ontologique nous est confiée par le personnage de la Lune : « Telles sont les choses dans son délire qu’elle dit [en parlant de Prouhèze] et elle ne s’aperçoit pas qu’elles sont déjà passées et qu’elle-même pour toujours en un moment passe en ce lieu où elles sont passées, — Il n’y a plus que la paix, L’heure est minuit […] » (208).18 Remarquons également que chez Claudel, les repères temporels comme le « minuit » et le « midi » / le « soir » et le « jour » sont pleins de symbolisme. Cependant, pouvons-nous parler ici de symbolique traditionnelle ?  Nous inclinons à penser que le « soleil » aveugle les héros claudéliens, les tente. Tandis que les ténèbres apportent la Connaissance : les personnages entrent dans les ténèbres et les traversent pour mieux voir la Lumière.  Pour eux, entrer dans la nuit ne signifierait point entrer dans le vide noir, destructeur, mais, au contraire, c’est comme s’ils s’enfonçaient dans des ténèbres savantes. Nous ne pouvons donc qu’applaudir à cette démarche apophatique de Claudel.

Comme il convient à une pièce baroque, dans le Soulier de satin,toutes les actions sont entrelacées et les aventures individuelles fusionnent avec le drame historique qui, à son tour, est subordonné au grand drame spirituel, très bien résumé en quelques mots par l’explicit, « Délivrance aux âmes captives ! ».  Et pourtant, tout est rigoureusement organisé : les éléments disparates et les dissonances stylistiques sont en parfaite harmonie. Chaque personnage y contribue, chaque rupture ou changement de ton remplit sa fonction. Cette harmonie dite paradoxale ajoute un charme supplémentaire à cette perle littéraire « de forme irrégulière »19 qui nous propose un kaléidoscope de couleurs inattendues, une tristesse et une joie indicible. La fin dramatique, poignante de l’errance des personnages principaux - la mort de Prouhèze et la retraite de Rodrigue - est loin de la tragédie ; elle est plus proche – n’en doutons pas - de l’Ode à la Joie de Beethoven que du Requiem de Mozart. Cette fin victorieuse fait penser à l’exclamation de saint Paul que l’on trouve dans sa première épître aux Corinthiens : « Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ?  » (vers 55). Ainsi le texte « ambrosiaque » de Claudel (en effet, comment pouvons-nous ne pas nous en délecter ?) est-il un témoignage frappant de l’épuisement de la notion du contingent : l’auteur a libéré son œuvre, en reprenant les mots de l’incomparable Prouhèze dont la prouesse ne laisse à surprendre, de « la tyrannie […] du fini et de l’accidentel ! » (278).


Actuellement, Nataliya Leninia est étudiante de doctorat en littérature française (première année) à l'Université de Toronto (Toronto, Canada). Le sujet de la thèse n'est pas encore choisi. Ses centres d'intérêt sont la littérature française de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, la littérature belge : roman symboliste (Georges Rodenbach) et le théâtre du XVIIe siècle (Racine).

Elle est titulaire d'un MA en études françaises (programme à double composante : littérature et linguistique), 2007, Université York (Collège Universitaire Glendon, Toronto, Canada). Mémoire (50 p.) « Du signe linguistique au signe théâtral ». Corpus littéraire : des textes dramaturgiques du théâtre français du début du XXe siècle.

Elle a aussi le « Diplôma de spécialiste » (équivalent au BA, majeur en histoire) de Kiev State University, Kiev, Ukraine.


 


Notes :

 

 1  Voir Le Robert, Dictionnaire étymologique du français (206).

2 Paul Claudel, Le Soulier de satin (Paris : Gallimard, coll. Folio Théâtre, 1997). Toutes les références à cet ouvrage seront désormais indiquées entre parenthèses par le numéro de page.

3  L’isson, c’est un terme musical, technique qui signifie « pédale », c’est-à-dire note tenue et prolongée, dans un accord de partie de basse, sur plusieurs mesures.

4 « Le Père Jésuite. - Je vous remercie de m’avoir ainsi attaché ! » (18).

5 « Je prends, je me sers de toute cette œuvre indivisible que Dieu a faite tout à la fois et à laquelle je suis étroitement amalgamé à l’intérieur de Sa sainte volonté, ayant renoncé la mienne… » (19).

6« Père Jésuite. - Remplissez ces amants d’un tel désir qu’il implique à l’exclusion de leur présence dans le hasard journalier L’intégrité primitive et leur essence même telle que Dieu les a conçus autrefois dans un rapport inextinguible ! » (20-21).

7  « Doña Prouhèze. - C’est l’amour qui refuse à jamais de sortir de cette éternelle liberté dont je suis captive ! » (333).

8 « Don Camille. - [M]on âme ne peut être rachetée que par la vôtre, et c’est à cette condition seulement que je vous la donnerai » (311).

9 Paul Claudel, Art poétique (Paris : Gallimard, coll. Poésie, 1984), p. 54-55 ; c’est nous qui soulignons.

10 L’expression empruntée à Milan Kundera.

11 « La Mer est représentée par un corps de ballet costumé en vagues. Ces vagues sont de véritables personnages qui miment les mouvements de la mer en accord avec, à la fois, le jeu des personnages, les mouvements du bateau et les rythmes de la musique imitative d’accompagnement » (Paul Claudel, Soulier de satin, version pour la scène abrégée, notée et arrangée en collaboration avec Jean-Louis Barrault, dans Théâtre II (Paris : Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, volume 2, 1965, p. 949-1112), p. 956. Toutes les références à cet ouvrage seront désormais indiquées entre parenthèses par le numéro de page et le titre abrégé Soulier. Scène.

12 Par exemple, la scène IV (Deuxième Journée), la constellation d’Orion (Saint-Jacques).

13  Émile Benveniste, « Le langage et l’expérience humaine » dans Problèmes de linguistique générale  (Paris : Édition Gallimard, 1966), p. 70-71.

14  Cette expression est empruntée au linguiste français Gérard Moignet.

15 « Il fallait que celui que j’aime mourût
    Afin que notre amour ne fût plus soumis à la mort »
    (Paul Claudel, La Cantate à trois voix, Poésie, p. 367).

16 Claudel cité par Paul-André Lesort (Lesort 119).

17  En parlant de la valeur dite « aoristique » (un terme linguistique), nous y sous-entendons l'aspect aoristique qui est propre au passé simple. L’aspect aoristique signifie que le moment associé à l’événement ne doit pas être repéré par rapport au moment d’énonciation. Ainsi avons-nous affaire à une sorte de « rupture » par rapport à la situation d’énonciation. L’aspect aoristique caractérise aussi le présent atemporel propre aux vérités générales (par exemple, « Oil floats on water »).

18 Sur un autre exemple analogue nous nous butons au tout début de la pièce. Cette fois-ci c’est le Père Jésuite qui en appelle à Dieu avant sa mort : « Je prends, je me sers de toute cette œuvre indivisible que Dieux a faite tout à la fois […], [d]e ce passé dont avec l’avenir est faite une seule étoffe indéchirable, du souffle que je ressens tour à tour avec sa cessation sur ma face, de ces deux mondes amis […] » (19 ; c’est nous qui soulignons).

19 Le mot « baroque » puise ses origines dans la langue portugaise où barocco, c’est-à-dire, « rocher granitique », était souvent employé métaphoriquement pour désigner les irrégularités d’une perle. Voir Le Robert, Dictionnaire étymologique du français (43).

 

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—. Art poétique. Paris : Gallimard, coll. Poésie, 1984.

—. « L’œil écoute ». Œuvres en prose. Note bibliographique et textes établis par Jacques Petit et Charles Galpérine. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade. Paris : 1965 [1956], p. 169-400.

 

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